Alors qu’il vient d’entamer sa septième saison de rang chez les Gunners, Laurent Koscielny, 31 ans, n’a jamais paru aussi serein. Fort d’un Euro exceptionnel sur le plan personnel, l’ancien lorientais a – semble t’il – enfin atteint son rythme de croisière, en trouvant une régularité et une discipline qui lui ont tant fait défaut plus jeune. Jusqu’à faire de lui un des meilleurs défenseurs européens ? Fort possible… Analyse.
Un style bien à lui
Si on ne parle pas encore de « style » à l’époque, l’aventure londonienne du défenseur français a tout de même démarré sous les meilleurs hospices, avec un carton rouge dès son premier match lors du Community Shield. Quelques mois plus tard, il décrochait le titre honorifique du plus grand responsable de penalty, avec 9 fautes dans sa propre surface en 4 ans. Ca vous met dans le bain, n’est-ce pas ?
Blagues à part, et rassurez-vous nous aurons le temps d’y revenir en chiffres et en détails plus bas, Koscielny – depuis plusieurs semaines – enchaîne les performances de haut niveau voire même de très haut niveau, très loin de l’image de bourrin et de défenseur maladroit qu’il traîne comme un boulet au pied depuis (trop) longtemps.
Formidable relanceur et premier relanceur, le vice-capitaine des Gunners est toujours à la recherche de LA passe qui cassera les lignes, la grande majorité du temps toujours vers l’avant. La double image ci-dessus est un exemple parfait de la faculté de Koscielny a constamment tenter de trouver le décalage qui déstabilisera le bloc adverse. Et sa qualité de passe, combinée à un déchet de plus en plus rare, font aujourd’hui de lui la première pièce maîtresse du collectif. Jamais se contenter de la solution de facilité en distribuant que des places latérales qui ne rendent que plus monotone le jeu.Puis quand il s’agit de participer au jeu, il est loin d’être ridicule avec le ballon, techniquement parlant. Pour l’anecdote, il était même parvenu à réussir 100% de ses passes le soir de France-Portugal en finale de l’Euro.
Mais il n’est pour autant pas seulement qu’un bon passeur. Il est aussi très physique, très tonique mais surtout très rapide. Ce qui rend ses retours (dans les pieds) toujours plus costauds lorsque ses latéraux ou son partenaire de défense centrale sont pris de cours dans le dos. Cela vaut aussi pour lui-même d’ailleurs, puisque de temps à autres, (il n y a pas plus tard que le week-end dernier contre Chelsea) « Kos » est parfois obligé de rattraper ses propres excès de zèle.
Joueur hargneux, le défenseur des bleus excelle en marquage individuel. Et à ce niveau, c’est sûrement Rio Ferdinand qui en parle le mieux : « Quand il est en forme, c’est le meilleur défenseur de Premier League. C’est le genre de mecs contre lesquels vous ne voulez pas jouer. Il est rapide, très agressif. » En un contre un, réussir à le passer n’est pas chose aisée. Et son Euro l’a confirmé, remportant la quasi totalité des duels qui lui étaient proposés (8 duels remportés sur 8 face à l’Irlande en 8èmes, par exemple. Que dire…)
Enfin, il a aussi la grande capacité de dominer dans le jeu aérien. La photo ci-dessus est intéressante. Cette situation s’est produite a maintes reprises face à Diego Costa le week-end dernier, mais aussi plus généralement en Premier League lorsque les défenses regroupées dégagent loin vers leur attaquant, souvent au duel avec Koscielny. Sur corner, il monte systématiquement apporter le surnombre et sa grande taille (1m86) lui permet de se montrer très régulièrement dangereux et, parfois, buteur.
Des performances validées par les chiffres
Mais bon, plus que les faits, les chiffres priment davantage.
Min | Dua |
Pas% | Int |
Tac |
Cj (r) | Fau |
Buts |
|
2010/2011 |
2979 |
1.85 | 86.5 | 3.1 | 3.65 | 6 (2) | 1.25 | 2 |
2011/2012 |
3272 |
2 | 80.9 | 3.9 | 2 | 9 | 1 |
3 |
2012/2013 |
2123 |
2.7 | 86.5 | 1.9 | 1.35 | 4 (1) | 1.1 |
3 |
2013/2014 |
3462 |
1.8 | 92.1 | 2.7 | 1.5 | 1 (1) | 0.9 |
2 |
2014/2015 |
2648 |
2.9 | 90.8 | 3.8 | 1.65 | 4 | 0.5 |
3 |
2015/2016 |
3444 |
2.9 | 88 | 3.2 | 1.6 | 3 | 0.7 |
4 |
Euro 2016 | 642 | 2.9 | 91.1 | 1.9 | 1.0 | 2 | 0.6 |
x |
Légende (chiffres whoscored. Premier League + Champions League)
Mins: Minutes jouées |
Dua: Duels Aériens gagnés |
Pas%: Pourcentage de passes réussies |
---|---|---|
Int: Nombre d’interception/match |
Tac: Nombre de Tacles/match |
Cj (r): Cartons jaunes (rouges) |
Fau: Nombre de fautes/match |
Buts: Nombre de Buts marqués |
Et à ce petit jeu, ils sont plutôt très positifs pour Koscielny. Dans la quasi totalité des catégories auxquelles j’ai voulu m’intéresser, Koscielny n’a cessé de progresser depuis son arrivée à Londres avec, en point d’orgue, l’excellent championnat d’Europe de l’été dernier. Concrètement, il joue plus propre, donc tacle moins (à peine plus d’un tacle par rencontre), donc fait moins de fautes (moins d’une faute par match l’an dernier), et prends à présent très très peu de cartons (3 petits cartons l’an dernier en 38 parties). Loin de l’image qu’on lui attribuerait au premier regard, n’est-ce pas ?
Laurent Koscielny a réalisé au moins 28 interceptions de plus que n’importe quel joueur sur les 3 dernières saison de Premier League (308)
Cela ne l’a également pas empêché de gagner, saisons après saisons, davantage de duels, tout en réduisant à d’insignifiantes broutilles le déchet technique de ses passes. Presque 90% de passes réussies l’an passé ! « Kos The Boss », comme il est surnommé dans les coursives de l’Emirates se serait donc canalisé, discipliné d’une très nette façon pour afficher une garantie impressionante. Enfin, pas totalement. Puisque devant, Koscielny n’hésite plus à prendre sa chance (notamment, comme je l’ai dit, sur les coups de pieds arrêtés) et a battu son record de buts l’an passé (4 réalisations).
Quid des tops défenseurs européens ? (sur la saison 2015/2016)
Grâce à vos suggestions sur Twitter, j’ai essayé de sélectionner 3 des meilleurs défenseurs du monde pour les comparer à Koscielny. 3 championnats différents, 3 styles totalement différents, aussi. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Laurent Koscielny s’en sort plutôt très bien. Je me suis limité à la comparaison des stats de chacun sur la saison passée (2015/2016), même si Boateng a été absent une petite partie de la saison. À la fin, Koscielny a été le meilleur des 4 en terme de duels gagnés, d’interceptions, de buts marqués et c’est également celui qui a écopé du plus faible nombre de cartons, comme quoi !
Minutes disputées, à titre indicatif :
Minutes Disputées | Euro 2016 | |
Koscielny | 3444 | 642 |
Silva | 3432 | |
Boateng | 1890 | 508 |
Bonucci | 3907 | 480 |
Pourcentages de passes réussies :
Pourcentage de Passes réussies | Euro 2016 | |
Koscielny | 88% | 91.1% |
Silva | 93% | |
Boateng | 86.7% | 86.8% |
Bonucci | 86.7% | 83.9% |
Duels aériens gagnés par matchs :
Duels aériens gagnés/matchs | Euro 2016 | |
Koscielny | 2.9 | 2.9 |
Silva | 2.5 | |
Boateng | 1.6 | 0.3 |
Bonucci | 1.7 | 0.4 |
Interceptions par matchs :
Interceptions/matchs | Euro 2016 | |
Koscielny | 3.2 | 1.9 |
Silva | 3 | |
Boateng | 1.5 | 1.7 |
Bonucci | 2.4 | 2.4 |
Fautes commises par matchs :
Tacles/matchs | Fautes/matchs | Cartons jaunes (rouges) | |
Koscielny | 1.6 | 0.7 | 2 |
Silva | 1.9 | 0.8 | 4 |
Boateng | 1.5 | 0.4 | 3 (1) |
Bonucci | 0.7 | 0.8 | 7 |
En ce qui concerne l’Euro 2016, pas besoin d’en faire trop pour se rendre compte que la compétition réalisée par le français a été bien plus aboutie que celles de ses adversaires allemands et italiens, même s’il a été plus loin dans la compétition et, fatalement, disputé plus de matchs. Grosse performance quand même.
(Vous trouverez en rouge les meilleures stats.)
Une adaptation déconcertante
Peu importe l’identité et le style (et que les styles peuvent être différents !) du central qui l’accompagne, Koscielny reste fidèle à lui-même. Que ce soit l’an passé, avec l’alternance Gabriel / Mertesacker, ou en bleu avec Varane / Umtiti / Rami / Mangala : rien ne change. Et ses stats ne sont pas moins bonnes s’il joue avec un adversaire réputé plus faible. Cet été, il n’a jamais été aussi bluffant que lorsque Rami se trouait et passait à côté de son match (à modérer, tout de même, puisque l’association avec Djourou à Arsenal s’était moyennement passée). La maturité étonnante de Umtiti, ensuite, a d’abord eu l’air de le surprendre, avant de réaliser une partie magistrale de maîtrise et de justesse en demi face à l’Allemagne. Avec Arsenal, il lui a fallu deux matchs pour se roder aux côtés de Shkodran Mustafi. Jusqu’à approcher l’excellence face à Chelsea et au toujours nerveux Diego Costa, samedi dernier.
« Il fait toujours les bons choix et dégage un sentiment de sécurité qui rejaillit sur ses partenaires. C’est un bonheur de l’avoir devant soi quand on est gardien de but » Petr Cech
Du reste, il faut aussi ajouter que Laurent Koscielny n’est pas vraiment du genre à se plaindre. Ni dans la presse, ni à l’entraînement. Garçon discret, il n’a jamais osé remettre en cause les choix de tous ses entraîneurs. En club comme en sélection, il s’est toujours contenté de se remettre en question en continuant à persévérer et à continuer de travailler. Son travail, depuis plusieurs mois, semble enfin éclater au grand jour. Et c’est assurément pas un changement de charnière ou la nécessité de trouver de nouveaux automatismes qui risque de l’effrayer. Pas après être passé par tant de difficultés.
Conclusion
S’il paraît compliqué et bien trop subjectif d’établir une hiérarchie parmi les meilleurs centraux européens, nul doute que Laurent Koscielny a bien intégré, et pour de bon, cette fameuse short-list des tous meilleurs stoppeurs mondiaux. Pas un hasard, d’ailleurs, que son nom soit bel et bien inscrit sur les tablettes de recrutements du Bayern depuis plusieurs saisons.
Je voulais également terminer par cette Heat-Map moyenne de la saison dernière (à savoir les zones couvertes par le joueur durant un match) pour montrer la place prépondérante que Koscielny a pris au sein du jeu. Toujours plus conséquente saison après saison.
Défenseur complet, il rivalise à présent à armes égales avec les tous meilleurs joueurs du monde à son poste. En terme de chiffres, de régularité et de performances, peu de joueurs font mieux ou aussi bien actuellement. Il a une immense part dans le parcours réalisé par la France l’été dernier. Mais la route est loin d’être finie. Et si l’âge de la maturité est arrivé tard pour l’ancien lorientais formé à Tours, celui de la fin n’a pas l’air d’avoir sonné. Ce qui promet de belles années encore au plus haut niveau. Et c’est tout ce qu’on lui souhaite.
Tom MASSON
@MassonTom1
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