Analyse : Pourquoi l’éviction d’Antonetti était inéluctable

En concédant une neuvième défaite en 13 matchs, la sentence a fini par tomber pour Frédéric Antonetti. L’entraîneur corse a en effet fini par être limogé après un début de saison catastrophique – encore pire qu’avec Hervé Renard l’an passé – et des performances d’une abyssale faiblesse. Retour tactique sur les carences qui lui auront coûté sa place dans le Nord.

Contexte 

Le LOSC réalise actuellement le pire début de saison de son histoire depuis 20 ans avec seulement 10 points en sur 39 possibles. Le plus inquiétant étant certainement les 9 défaites concédées en 13 matchs, aussi bien face à des concurrents au titre que face à des équipes de bas de tableau.

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XI LOSC vs Lyon

Face à Lyon, qui me servira plus ou moins de fil conducteur pour cette analyse, Antonetti avait une fois de plus reconduit un 4-3-3, avec Amalfitano ailier droit, mais surtout 3 milieux de terrains défensifs avec un Mavuba relayeur, une fois de plus (!). Partant de ce point, je vais donc énumérer les faiblesses les plus béantes de Lille depuis le début du championnat qui auront, sans doute, conduit au limogeage de l’entraîneur corse un an jour pour jour après son arrivée.

 

Un plan de jeu complètement déséquilibré 

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La première chose qui frappe face à de tels schémas tactiques est le déséquilibre global de l’équipe. Depuis le début de saison, Antonetti a plus ou moins reconduit la même équipe (sauf peut-être face au PSG) en alignant un 4-3-3 avec Eder seul en pointe et un milieu à 3 avec trois éléments plutôt défensifs. Volontairement, j’ai pris en exemple un match fin août, contre Nice en l’occurrence, et face à Lyon, vendredi dernier, trois mois après le premier pour donner un ordre d’idée Et le moins que l’on puisse dire, c’est que dans les deux cas, le jeu penche très nettement à droite en dépendant de l’activité d’un Sébastien Corchia toujours plus important.

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Le jeu lillois penche nettement à droite

Mais prenons chaque compartiment du jeu au cas par cas.

 

Une défense sans aucune cohésion 

Premier problème lillois cette saison, son arrière-garde. Que ce soit avec une charnière Basa-Civelli, Basa-Soumaoro ou Civelli-Soumaoro, la défense lillois est toujours aussi fébrile. Souvent prise dans le dos, très souvent sans cohésion, les erreurs individuelles s’enchainent et cela se pait cash. A l’image de cette action prise contre Lyon.

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Dès le départ de l’action, la défense a 4 lillois est complètement désorganisée, à l’image de Marko Basa, hors-sujet et déconnecté de l’action, distancé d’une dizaine de mètres par ses compères de défense. De fait, Soumaoro se retrouve seul au duel face à Lacazette, perd son duel, pendant que Amadou et Sankharé abandonnent complètement les joueurs autour d’eux au marquage.

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S’en suit donc un 3 contre 3 facilement négocié, puisque Basa ne peut absolument rien. Aucun mouvement, aucune cohésion, des erreurs individuelles et au final, Lyon s’infiltre dans la partie de terrain lilloise en quelques secondes, et ouvre le score au bout d’une situation déconcertante d’amateurisme.

Des situations comme celles-ci, Lille a en connu plusieurs, beaucoup trop, en 13 matchs. Marko Basa, 33 ans, symbolise cette fébrilité. Ses prestations contre Lyon, mais également contre Angers ou Bastia, ont été très insuffisantes avec à la clé, des erreurs individuelles qui coûtent à chaque fois très cher. Sauf qu’au final, Lille encaisse des buts, beaucoup trop de buts : 19, pour être précis.

Le bilan est lourd, très lourd et est symptomatique d’un début de saison encore plus compliqué que celui connu par Hervé Renard l’an passé. 11 buts encaissés en plus, il y a de quoi s’inquiéter. Encore plus quand les mêmes situations se répètent match après match d’une manière étrangement répétée.

Après 13 journées :

Saison 2015/2016 Saison 2016/2017
8 buts 19 buts

 

Un milieu effrayant 

En ce qui concerne le milieu de terrain, il y a – là-aussi – de quoi s’interroger. Souvent alignés dans un milieu à 3, Sankharé, Amadou et Mavuba peinent à trouver la bonne formule. Peut-être en raison de choix tactiques étonnants. Comme celui d’aligner Mavuba à un poste de relayeur, en 8, par exemple. Une position sur le terrain qui implique plus d’efforts, plus de constance en raison de l’importance d’assurer le liant entre le milieu et l’attaque. Mavuba ne se fait plus tout jeune, et même s’il joue en moyenne une bonne heure, il est souvent mis en difficulté dans cette position et cela se ressent cruellement dans le jeu lillois. En ce qui concerne Sankharé, l’ancien a une fâcheuse tendance à jouer latéralement ce qui ralentit constamment les décalages tentés par le bloc lillois. Ainsi, les deux relayeurs lillois ne sont presque jamais dans des conditions optimales et le soutien offensif qu’ils sont censés apporter à la ligne d’attaque frôle le néant.

Autre problème lié à cela, lorsque Sankharé ou Mavuba sont trop portés vers l’offensive, au détriment de la cohésion, Amadou se retrouve complètement seul en sentinelle. Et c’est alors à ce moment-là que toute la défense lilloise se déséquilibre aussi. Un boulevard est donc laissé aux attaquants adverses, avec à la clé, une grosse opportunité de marquer. L’action face à Lyon montrée plus haut montre aussi les lacunes de l’entrejeu nordiste.

La question d’aligner 3 milieux, à vocation plutôt défensive, se pose donc. Surtout face à des blocs compacts comme celui d’Angers.

Car il y a également une double conséquence à la faiblesse des relayeurs du LOSC : Eder se retrouve presque constamment excentré (la plupart du temps à droite) laissant l’axe désespérément vide. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir plus bas.

Une attaque transparente 

Car finalement, c’est sans doute l’attaque des dogues qui cristallisent toutes les faiblesses lilloises. Là encore, le constat mathématique est sans appel, avec une moyenne de 0.8 buts inscrits par matchs (soit 9 buts en 13 matchs). Par manque de réalisme, d’abord. Le ridicule nombre de tirs cadrés par matchs en moyenne (3.2) tend d’ailleurs à le confirmer. Un tir sur 4 cadré c’est problématique, mais surtout assez inquiétant.

Tirs par matchs 12.1
Tirs cadrés par matchs 3.2 

Pour autant, il y a une explication à cela. Et les faits de jeu nous montrerons que le manque de réalisme n’est pas la seule cause face à un si grand désert offensif.

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L’action ci-dessus, en deuxième MT face à Nancy est symptomatique des principaux maux du LOSC. Face à une défense regroupée, ce qui a été plusieurs fois le cas cette saison, le nombre de solutions proposées au porteur du ballon sont très largement insuffisantes. Sur cette action, Bauthéac et Eder sont dans la surface, arrêtés, ne proposant aucune solution au milieu de 7 nancéins bien regroupés. Alors il y a bien Palmieri, à gauche, qui propose une solution. Mais c’est très largement insuffisant, et Rony Lopes tentera de tirer.

Autre exemple lors du même match :

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Situation similaire : Rony Lopes seul, l’appel d’Eder couvert pas trois nancéeins et Bauthéac et Amalfitano, les deux ailiers sont hors-sujet. Personne à sa droite, personne à sa gauche, Rony Lopes n’a d’autre choix que de tenter l’exploit individuel à frappant à 30 mètres. Autant dire que la chose est assez compliquée.

Enfin, j’ai voulu faire ressortir une dernière situation tout aussi régulière, où Eder trop excentré (la faute des milieux ?) se retrouvait sur un côté à centrer pour… personne. Encore face à Lyon, c’est arrivé à plusieurs reprises. Et les hommes sont interchangeables : dans tous les cas, Eder n’est pas à la retombée du ballon.

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L’action ci-dessus est sûrement une des plus récurrentes depuis le début de saison. Le liant entre le milieu et l’attaque est inexistant, l’apport des ailiers est bien trop approximatif, et les lillois se retrouvent régulièrement en infériorité numérique offensive. Pourquoi Eder cherche-t il le centre ? Parce qu’il n’a pas d’autres solutions. Pourquoi n’est t’il pas à la retombée du ballon ? Parce que les ailiers ne sont pas au niveau. Pourquoi les ailiers ne sont pas au niveau ? Car  le schéma n’est pas bon, ou parce que les milieux ne font pas ce qu’il faudrait. Le décalage est réel et le déséquilibre offensif problématique.

 

Des motifs d’espoir ? 

Antonetti parti, y a t-il des motifs d’espoir pour les supporters nordistes ? Probablement. Il faut dire que les lillois n’ont pas été gâtés par les nombreuses blessures depuis le début de saison, et que le retour de Rony Lopes devrait leur faire grand bien. Mais peut-être qu’un changement de système s’impose. Cette équipe doit retrouver de la cohésion, et cela passe par un milieu plus physique, mais surtout plus technique. En attaque, installer De Preville aux côtés d’Eder pourrait permettre à ce dernier d’être moins seul, et donc d’avoir moins tendance à s’excentrer. Enfin, beaucoup ne sont clairement pas au niveau (Béria, Amalfitano…) et devraient donc logiquement retrouver une place sur le banc. En ce sens, je vous ai proposé une compo qui pourrait palier à ces nombreux problèmes.

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Les résultats reviendront sans doute en même temps que le jeu, à Lille. Le tout est de retrouver un plan de jeu cohérent, qui leur permette – tout en retrouvant une assise défensive solide – de se créer de véritables occasions.

Toujours est-il que Lille fait certainement partie des pires équipes de Ligue 1 depuis le début de saison et rien ne semblait aller en s’arrangeant. Le licenciement de Frédéric Antonetti, un an jour pour jour après sa signature, est donc assez logique. On a souvent tendance à dire qu’on sait ce qu’on perd, mais pas ce qui nous attend. Difficile de penser que ça pourra être pire.

 

Tom MASSON

@MassonTom1

3 réflexions sur “Analyse : Pourquoi l’éviction d’Antonetti était inéluctable

  1. Cyril dit :

    Merci pour cette magnifique analyse ! Ca fait plaisir à lire surtout quand ça rejoint totalement mes idées ! Pourvu qu’on change de système … ET VITE !!

  2. JUAN dit :

    Je trouve ça bien triste que le coach est été viré. Il y un an il nous a amené à une superbe 5 eme place et en finale de la coupe de la ligue. Aujourd’hui on dit que tout est de sa faute ??? C’est une analyse bien superficielle de parler uniquement de plans de jeux pour expliquer un échec. On ne sait pas tous ce qui se passe dans le vestiaire. Tous ceux qui vont au stade auront également remarqué le manque de motivation de certains joueurs voire pire. Je pense surtout qu’il a été viré parce que le nouvel investisseur veut imposer son staff. Virer le club c’est aussi une façon de calmer le public. Si les DVE ont scandés « Antonetti demission » , pas mal de gens en tribune nord étaient pas d’accord.

    Les résultats d’une équipe c’est pas que le coach, la stratégie et la tactique.
    Ca c’est l’avis du canal+ football club et des footix

    Un abonné de la tribune nord
    COME ON RIJSEL !!!!

  3. Bobby Richardson dit :

    Analyse fort fort intéressante ! Deuxx questions : 1) que dirais-tu de Benzia à la place de De Préville dans le schéma que tu proposes ? Il me semble capable de jouer en 2è attaquant, central pouvant partir de plus bas balle au pied. Ca collerait p/r aux pb que tu soulèves, non ? 2) Bissouma a-t-il vraiment le profil recherché ? Je sais bien qu’il est plus défensif qu’aux postes avec lesquels il a joué avec Anto, mais quand-même : a-t-il un profil de 6 que tu suggères ?

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