En affirmant, assez maladroitement, sa volonté de ne plus porter le maillot de West Ham, Dimitri Payet a pris des risques, se mettant à dos une bonne partie de ceux qui, autrefois, le soutenaient. L’affaire Payet n’est pas nouvelle, elle n’est pas non plus précurseur en la matière. Le joueur lui-même n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai. Mais elle est bien révélatrice d’une époque où le joueur est Roi et où l’amour du maillot n’est plus qu’une utopie fantasmée.
L’amour de l’argent plus fort que l’amour du maillot
Les joueurs partent donc au clash avec les clubs qui les recrutent, qui les emploient, qui les font jouer et qui les payent. Alors question sotte, comment est-il possible d’en arriver-là ? Ou du moins, qui sont les responsables d’une situation semblable. On pourra mettre ça sur le dos de cette époque déconcertante, où des propriétaires chinois achètent des joueurs de foot comme on miserait sur une entreprise cotée en bourse. On pourra aussi accuser les joueurs, au cas par cas. Ou encore les agents. Ou les présidents. Ou les annonceurs et les actionnaires, aussi. Mais finalement, la cause réside très probablement dans la somme de tout ça.
Le football est entré, il y a plusieurs années déjà, dans une ère où le joueur de foot construit une carrière en fonction des opportunités individuelles qui lui sont offertes, du nombre de zéros qui se suivent sur le contrat qu’on lui présente. La fidélité est présentée comme un idéal à atteindre, une situation sentimentale mais surtout réciproque entre les deux parties. En réalité, cela ressemble davantage à une immense utopie, encore plus en foot. Le joueur qui restera fidèle à son club tout au long de sa carrière est aussi rare que le type qui fera sa vie avec son premier amour.
Tout le reste n’est que de la comm’, pour plaire aux supporters en arrivant. Repartons du cas Payet. Parti au clash avec Sainté pour rejoindre le PSG, on voudrait nous faire croire que l’OM « est son club de coeur » ? L’OM, ce même club où il n’a jamais été porté en idole, encore moins en héros. Joueur clivant, il n’a jamais fait l’unanimité à Marseille, aussi bien sur le terrain qu’en dehors. Que cela soit clair, il est peu probable que le reunionnais décide de retourner lorgner dans le vieux port pour le simple amour du maillot. Cette situation arrange aussi bien le joueur, englué dans le ventre mou de Premier League, que les supporters marseillais, qui ont besoin de rêver à nouveau. Le dynamiteur de jeu de Bielsa est la personne idéale. Encore plus après son Euro réussi.
Le modèle actuel du football n’arrange rien
Le joueur n’est pas le seul responsable à cette situation. Décider de partir au clash ne doit pas être une situation bien plaisante. Mais la situation aussi bien économique que médiatique dans laquelle se trouve ce sport est à l’origine de pareils exemples. Dès la CFA, le joueur est façonné, bâti, avec une idée réelle qu’il faut rejoindre d’autres clubs, d’autres football, en ancrant dans l’esprit du joueur cette pensée que l’herbe serait plus verte ailleurs, quelle que soit la situation. Un article assez sympa de footengo, montre d’ailleurs que les transferts et les changements de clubs sont monnaie courante aussi – et surtout – dèsle monde amateur !
La course à la reconnaissance gangrène ce sport. Aussi bien en haut qu’en bas. Les intérêts des uns et des autres conduisent le joueur à suivre des voies parfois maladroites. Et cela a un effet direct aussi bien sur sa carrière en tant que telle, mais aussi sur le comportement et les valeurs qu’il intègre.
Les trop longues périodes de transfert et la toute puissance des agents n’arrangent rien : quelle que soit la période de sa saison, le joueur sera confronté aux envies d’ailleurs et aux rumeurs qui lui sont remontées. Le mercato d’été clos, on lui parlera déjà de celui d’hiver. Et au final, le joueur sort souvent gagnant de son bras de fer. Que faire d’un joueur qui veut aller voir ailleurs ? Comment évoluera sa valeur marchande après 6 mois en CFA ? Quel impact sur l’équipe ? Trop d’incertitudes pour prendre le risque de le conserver. Et tout à parier que finira par quitter West Ham cet hiver…
C’est une réalité peu facile à accepter, compliquée à intégrer. Mais l’amour – sincère – d’un joueur pour son club a toujours été rare. L’image des Totti, Maldini, Zanetti, Giggs a toujours été aussi belle que fantasmée. Mais combien de joueurs de la génération qui suit suivront ou ont suivi le même modèle ? Difficile à dire.
Les torts sont partagés, certes. Et qui condamner ? Le joueur semble la suspect idéal. Il faut dire, et on va reprendre l’exemple de Payet, qu’il est difficile de comprendre pareil comportement, à 29 ans, avec un palmarès encore vierge et 12 bons mois à son actif en Premier League. Mais il n’est pas le seul. Le football dans sa globalité peut aussi être pointé du doigt. Et c’est bien plus préoccupant.
Je profite également de ce post pour vous souhaiter une excellente année 2017.
A la semaine prochaine,
Tom MASSON
@MassonTom1