Bielsa, victime directe du mal français

L’aventure nordiste de Marcelo Bielsa a donc pris fin, sans même avoir le temps de passer l’hiver, via un communiqué aussi intrigant qu’implacable, annonçant la « suspension momentanée » de l’entraineur argentin. Si l’on dépasse la formulation hasardeuse, qui devrait laisser le temps aux dirigeants lillois de trouver des motifs à un limogeage, pour l’instant, hors-budget, les aventures « d’El Loco » dans la capitale des flandres, n’auront pas duré 6 mois. Un immense gâchis.

Le problème lillois dépasse le cas Bielsa

Mais Marcelo Bielsa, en dépit des premiers sourires de l’été, n’a jamais semblé comblé, comme si, très rapidement, on lui avait retiré cette étincelle qui le rend si passionné. Rarement énervé, souvent plongé dans une passivité étonnante, l’attitude de Bielsa sur son banc lors des rencontres du LOSC symbolise à elle-seule le mal-être de l’argentin à Lille. Même ses conférences de presse, pourtant connues pour avoir des allures de master-class footballistiques, ont souligné le fatalisme du génie argentin, sans jamais perdre sa dignité. Souvent attaqué et pointé du doigt par des questions toujours plus véhémentes, il a toujours prôné le profil-bas en tentant tant bien que mal d’assumer l’ensemble des maux lillois sur des épaules qui ont vite commencé à s’affaisser par le poids des responsabilités. Et même quand on lui a demandé, à maintes reprises, de réagir au désir d’une minorité de supporters de le voir démissionner, il s’est contenté de répondre qu’il « les comprenait« .

Il faut dire que les tensions réelles, et non pas moins prévisibles, qu’il partageait avec Campos ont dû jouer. Mais, pourtant, l’hasardeux début de saison lillois ne peut – et ne doit – pas être cantonné au compliqué, mais si passionnant, cas Bielsa. Au-delà de son rôle d’entraineur, c’est tout le projet lillois qui repose sur des structures bien instables. Si au niveau du simple niveau de l’effectif, dont les 22 ans de moyenne d’âge font pointer le grand manque d’expérience et de cadres, il y aurait de quoi dire, un article de FranceInfo, publié ce mercredi, pointe quant à lui des irrégularités financières hallucinantes et une situation bien préoccupante : joueurs achetés grâce à un fond vautour, budget établi sur des ventes de joueurs et une augmentation de revenus plus qu’hypothétiques, le LOSC semble dans l’impasse. Et il n’a pas eu besoin de Marcelo Bielsa pour s’y mettre.

Du pain béni pour ses détracteurs

Alors pour ceux qui ne voyaient pas l’argentin durer dans le Nord, c’est du pain béni. Que dis-je, c’est une aubaine. Et depuis mercredi, les premiers moralisateurs qui n’attendaient que de voir Bielsa touché pour tirer sur l’ambulance sont de sortie. Quel drôle de pays, tout de même ! Celui-là, même, qui souhaite le pire à des entraineurs pourtant adulés et respectés par d’immenses observateurs, et enviés par un nombre de clubs suffisamment conséquent pour le prendre en considération. Eric Cantona a affirmé il y a quelques jours que le foot français ne mérite pas Bielsa, c’est aussi mon avis. Le mépris et le manque de considération (spécialité française en Europe) réservés à cet homme – pourtant adulé – par une partie de la presse nationale fait peine à voir. Et cette fin anticipée arrive à point nommé, car en dépit de résultats insuffisants, mais encore bien loin d’être arrêtés définitivement après 13 petites journées, les progrès du LOSC, à une échelle aussi bien sportive que mathématique étaient réels. Souhaiter l’échec du Bielsa, et en rendant du même coup, vaporeux l’avenir du LOSC, est plus que déontologiquement douteux, c’est incompréhensible.

Mais Bielsa, qu’on le veuille ou non, a ranimé un intérêt significatif autour d’un club qu’on pensait tombé dans l’anonymat. Cela fait trois ans que je suis à Lille, et j’ai déjà vu passer 6 entraineurs sur le banc lillois. Et pourtant, cette saison fut la première où la question de l’abonnement au stade s’est posée, la première où autant de monde se déplaçait au stade, la première où un deuxième kop se créait dans le deuxième virage. Bielsa incarne à lui-même ce football qui dépasse les résultats, ne s’arrête pas à un bilan comptable. Ce n’est pas seulement un grand entraineur, c’est un immense personnage. Avec le limogeage de Bielsa, plus que mon intérêt personnel qui, je l’admets, compte bien que modérément, c’est l’attention de toute la presse européenne et sud-américaine pour le LOSC qui va indéniablement s’estomper. Le nombre exceptionnel de commentaires autour des dogues cette année n’est sûrement pas le fruit du hasard. Et il va à présent falloir sauver les meubles avec un nouvel entraineur, certes, mais avec le même effectif et sans davantage de garanties. Ce sera en tout cas sans Marcelo Bielsa, et sans toute la passion qui l’accompagnait. Et c’est bien malheureux.

Tom Masson

@MassonTom1

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